« Black Blood » présenté au cinéma Les 400 coups le 19 janvier 2012

Xiaolin et sa femme vendent leur sang pour payer l’école de leur fille. Ils finissent par créer une petite banque du sang qu’ils nomment Ali-Baba. Avec ces profits importants, la cour autrefois déserte se remplit de moutons.

Un désert de pierre. Au beau milieu, une baraque de terre cuite, une cour, une grille. Une famille – un couple et leur fillette – vit là. Survit plutôt. La fillette va à l’école, elle a des capacités. Les parents décident de se saigner pour elle. Au sens propre : de temps à autre, un type passe en carriole dans le coin et recueille le sang de ceux qui veulent le vendre. Le père le fait une fois, puis deux, puis trois, avant d’inciter sa femme à faire de même. C’est une histoire dingue. Sur la misère, le sacrifice, l’ignorance. La Chine en pleine puissance économique ? La propagande diffusée à la radio, seul élément qui nous raccorde au monde extérieur, va dans ce sens. A l’image, le démenti est cinglant. La mutation de la Chine a laissé des gens sur le carreau. Dont cette famille, oubliée là.

Un tableau social ? Black Blood, tourné clandestinement par un cinéaste jusque-là inconnu, frappe par son originalité, sa plastique soignée. Noir et blanc éclatant. Cadrages étudiés. Confiance dans la durée et la répétition. Une répétition qui s’exprime à travers un geste inouï, accompli par le père. On le voit boire, boire, sans fin et sans soif – c’est très éprouvant, presque burlesque – des quantités astronomiques d’eau à même une grande casserole. A quoi rime ce geste ? Est-ce un coupe-faim ? Un antidote au risque d’anémie provoquée par le don sanguin ? Ou le meilleur moyen de produire toujours plus de sang ? C’est un peu comme si l’on découvrait quarante après La Grande Bouffe son double inversé, ultra contemporain. Un suicide à l’eau qui pourrait s’intituler « La Grande Beuverie ».

L’extrémisme ne se limite pas à ce seul geste. Le film, bien que minimaliste, surprend par sa manière de faire évoluer le récit. Car vient le moment où le père, non content de se mettre en danger, décide de monter sa petite entreprise. En improvisant un centre de transfusion… Black Blood n’est pas sans rappeler Le Fossé, de Wang Bing, film magistral, hélas inédit en France, sur le sort des milliers de dissidents morts de faim et de dysenterie au fin fond du désert de Gobi dans les années 1950. Mais cette fois, tout se déroule aujourd’hui. En un temps où un capitalisme sauvage et inhumain réduit l’homme à l’état de vache à sang.
Jacques Morice (Télérama)

Charlotte Le Sourd, directrice de l’Institut Confucius, présentera le film avant la projection.

BLACK BLOOD de Miaoyan Zhang avec Mengjuan Liu, Danhui Mao, Yingying…
Chine – 2010 – 2h03 – Version originale sous-titrée

 

Lieu: Cinéma Les 400 coups, Angers

Date: jeudi 19 janvier 2012

Horaire: 20h15