Confucius : histoire du penseur

« Apprendre quelque chose pour pouvoir le vivre à tout moment, n’est-ce pas là source de grand plaisir ? »
Phrase d’ouverture des Entretiens (I, 1)

Le nom de Confucius est la latinisation de l’appellation chinoise Kongzi (孔子) ou Kongfuzi (孔夫子 : maître Kong) par les jésuites missionnaires en Chine à partir du XVIe siècle. Confucius naît en 551 avant notre ère dans la ville de Qufu (曲阜), au pays de Lu (鲁) (actuelle province du Shandong) dans une époque troublée (fin de la période dite des « Printemps et Automnes ») où l’autorité des empereurs de la dynastie des Zhou ne parvient plus à remporter l’adhésion d’un peuple divisé. Issu d’une famille de nobles déchus de la principauté de Song exilée au pays de Lu, le jeune Confucius a trois ans lorsque son père décède, plongeant sa famille dans une profonde misère. A 17 ans, il exerce déjà comme précepteur et commence à enseigner. Après différents postes dans l’administration du pays de Lu, il est nommé ministre de la justice mais, déçu par le comportement de son prince, il démissionne et part en quête d’un souverain qui saura être à l’écoute de ses préceptes.

Accompagné de ses disciples, il traverse les pays de Wei, Cao, Song, Chen, Cai, exposant ses points de vue politiques et moraux avec plus ou moins de succès. Agé de plus de soixante ans, et après douze années d’errance, il revient au pays de Lu où il passe les dernières années de sa vie à enseigner à plus de trois mille disciples issus de toutes les couches sociales, jusqu’alors seuls les enfants de familles nobles avaient le droit de recevoir une éducation. Il meurt à 72 ans, en 479 avant notre ère; la ville de Qufu dans le Shandong est depuis lors devenue un haut lieu de pèlerinage.

Confucius, comme Socrate son contemporain, n’a jamais rien écrit de sa main ; son enseignement tient dans un mince ouvrage, les Entretiens (论语), compilé par ses disciples qui y ont transcrit leurs échanges avec le maître. Selon la tradition, Confucius a consacré une partie de sa vie à la compilation et au classement des Cinq Classiques (五经) : le Classique des odes (诗 经 Shijing), le Classique des mutations (易经 Yijing), le Classique des documents (书经 Shujing), le Livre des rites (礼记 Yijing), les Annales des Printemps et Automnes (春秋 Chunqiu) et le Canon de la musique (乐经 Yuejing, aujourd’hui disparu).

La doctrine confucéenne influença profondément, et ce pendant des siècles, le développement de la politique, de l’économie, de la culture, et plus encore de l’éducation et de l’éthique dans les pays de la région, notamment en Corée, au Japon et au Vietnam (système du recrutement des fonctionnaires et des examens mandarinaux). A partir du XVIIe siècle, les missionnaires jésuites partis évangéliser la Chine répandent les idées de Confucius en Occident. Les philosophes des Lumières, et en particulier d’Holbach, Voltaire ou Quesnay, y voient une illustration exemplaire de leurs propos ; ils l’utilisent à leur façon pour dénoncer les abus de leur temps et attaquer le despotisme et la doctrine du droit divin, n’oubliant pas de lui prêter leurs propres idéaux. L’influence des préceptes confucianisme sont encore très prégnants dans le monde asiatique et connaissent un regain d’intérêt dans le monde occidental.

“Plus qu’un homme ou un penseur, et même plus qu’une école de pensée, Confucius représente un véritable phénomène culturel qui se confond avec le destin de toute la civilisation chinoise. Ce phénomène, apparu au Ve siècle avant notre ère, s’est maintenu pendant deux mille cinq cents ans et perdure encore aujourd’hui, après avoir subi maintes transformations et survécu à bien des vicissitudes.”
Anne CHENG, Histoire de la pensée chinoise, Paris, Editions du Seuil, novembre 1997, p. 62